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Naissances du Monde
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Naissances du Monde
  • A l'origine, nous partions aider les naissances Cambodgiennes en septembre 2014 en tant qu'étudiantes sages-femmes. Aujourd'hui diplômées, nous parcourons les naissances de contrées plus ou moins lointaines. Et nous en apprenons tous les jours !
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1 novembre 2021

Ksamâ pour s'entraider

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Aujourd'hui est un jour férié dans ce pays du bout du monde. Mais j'ai décidé d'aller travailler car le temps passe vite et parce qu'ici, le vendredi est l'équivalent de notre dimanche, c'est donc également un jour chômé.

Tous les habitants de la guesthouse sont endormis quand je pars rejoindre le chauffeur qui va m'emmener au dispensaire. J'ai acheté des sortes de crêpes indiennes au miel au petit marchand du coin, c'est trempé dans l'huile mais ça me plaît bien. Je donne une crêpe au chauffeur en me touchant le ventre et en gonflant mes joues. Il la prend en rigolant.

Le trajet est très rapide, je suis aux portes du dispensaire en moins de 15 minutes. Ce jour-là, les gardiens m'accueillent avec un regard d'étonnement et me font comprendre que je ne dois pas signer le registre des arrivées. Personne ne va vérifier les heures d'arrivées du personnel un jour férié puisqu'il est sensé être vide de travail.

 

Les salles de consultations sont vides, il n'y aucune patiente en attente. Je me dirige vers la salle d'accouchement où je retrouve Chendra et deux autres sages-femmes. Trois parturientes sont en travail.

 

La première future maman est allongée sur la table d'examen, sa matrone à coté d'elle, elle souffle silencieusement à intervalle régulier.

Son ventre me paraît plutôt imposant pour ce petit bout de femme. Les sages-femmes m'informent qu'elle est à dilatation complète et qu'elles sont trop contentes d'avoir fait la formation sur le siège hier car le bébé présente ses pieds en premier ! Je me dis que ceci explique pourquoi son ventre me paraît si gros.

La patiente pousse, les pieds sortent puis le bassin et le corps de l'enfant semble si petit, il est tout à fait en perpendiculaire par rapport à l'axe de sortie... Regina attend tranquillement devant cette progression, je lui dis (avec un peu de panique, je l'avoue) de saisir les hanches de l'enfant pour lui placer son dos en avant. En effet, si le dos se met vers l'arrière, cela empêche la tête de pouvoir sortir. Tout est une histoire d'angle avec les os du bassin et la mâchoire du bébé.

Regina s'exécute en tremblant, effectue une nouvelle manœuvre une fois la moitié de la tête dehors et l'enfant naît ! Il est minuscule mais il va relativement bien, Regina le pose sur la balance qui nous indique 1,8 kgs. Regina s'avance vers la patiente et s'apprête à tirer de toutes ses forces sur le cordon : elles m'ont dit qu'elle faisaient ça pour « éviter les hémorragies ». Cette technique n'a pas montré son efficacité, ni là bas, ni nul part ailleurs mais elles continuent de le faire par habitude j'imagine.

Je regarde la balance, la patiente encore sur la table avec le bout du cordon qui pendouille, son ventre qui me paraît encore gonflé et mon esprit fait tilt.

« Attends, attends Regina ! Regarde si il n'y en a pas un deuxième ! »

Elle examine la patiente, trifouille un peu et plein d'eau s'écoule le long de sa main. Elle vient de rompre une deuxième poche des eaux. Elle annonce qu'elle sent la tête d'un deuxième bébé. La patiente n'a pas le temps de comprendre quoi que ce soit qu'elle pousse à nouveau.

Un deuxième bébé naît, il ne va pas bien du tout et nécessite une réanimation. Chendra vire le premier bébé de la balance qui se trouve sur le bureau servant de table de réa à la matrone. On installe l'enfant sur la table, on lui fait plusieurs aspirations au mouche-nez, on ouvre la bouteille à oxygène et on lui insuffle ce qui en sort par un des deux accès adultes des lunettes (c'est trop espacé pour lui mettre correctement).

L'enfant finit par crier. Il est encore plus minuscule que son frère. 1,3 kgs.

La mère, qui doit avoir 15 ans à tout casser n'a aucune expression sur le visage. Pas de soulagement, pas de joie, pas de larmes, pas de cri, rien. Elle ne regarde pas les enfants qu'elle vient de mettre au monde dont elle ignorait qu'ils étaient deux il y a quelques instants.

Chendra appelle l'hôpital le plus proche pour demander le transfert de ces jumeaux prématurés. Il refuse de les prendre car c'est un jour férié. Le 2ème hôpital appelé refuse quand on leur dit qu'ils sont nés dans un camp de réfugiés « pas la place pour eux ». Le 3ème hôpital à 2h30 de route veut bien les prendre mais il ne reste plus qu'une couveuse de disponible. Chendra dit qu'ils sont si petits qu'ils peuvent aller dans la même couveuse. On place le plus petit sous la seule bouteille d'oxygène qui existe dans le dispensaire avec un masque adulte qui épouse largement la totalité de son visage.

Le transfert est acté et sera fait quelques heures plus tard, avec la maman, qui est toujours aussi stoïque.

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