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Naissances du Monde
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Naissances du Monde
  • A l'origine, nous partions aider les naissances Cambodgiennes en septembre 2014 en tant qu'étudiantes sages-femmes. Aujourd'hui diplômées, nous parcourons les naissances de contrées plus ou moins lointaines. Et nous en apprenons tous les jours !
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12 novembre 2020

Âja pour un jour nouveau

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Le trajet en mini-bus de la guesthouse vers le dispensaire est court en terme de distance mais tellement long en temps ! Il y a des embouteillages de partout et la voiture s'arrête à chaque coin de rue pour récupérer des gens travaillant au dispensaire. Je crois qu'il doit y avoir 10kms et on met 45 minutes...

En arrivant au dispensaire, les sages-femmes de la nuit nous disent qu'elles ont eu 2 accouchements qui se sont bien passés. On m'annonce qu'aujourd'hui je vais « visiter » les camps. Je pars donc avec l'une des sages-femmes dans une voiture.

Il n'y a qu'une seule route en terre qui fait le tour des camps, les drapeaux jaunes indiquent dans quel camp on se trouve et les drapeaux bleus indiquent dans quel bloc on est. Il y a quelques écoles, un petit marché à ciel ouvert, quelques mares d'eau stagnante, des petits ponts, des petits baraquements, des plus grands baraquements et pas mal de monde dans les ruelles, surtout des enfants. J'oberve notamment 2 enfants, de 5 ou 6 ans, jouant dans l'une des mares d'eau verte avec un tissu bien trop grand en guise de vêtements, ils ne portent rien d'autre sur eux.

On estime à un million de personnes réfugiées sur cette terre de 20 km² (superficie de Rouen ou de Chambéry). Ces personnes fuient le génocide voisin, traversent le fleuve quand ils n'ont pas été tué et sont ensuite embarquées par les autorités du pays où ils se trouvent pour être « regroupés » dans un seul endroit. Leur pays d'adoption est encore plus pauvre que celui qu'ils ont fui, seules les associations humanitaires leur permettent de survivre.

 

On m'a ensuite ramené vers les salles de consultations prénatales où, comme la veille, environ 40 femmes enceintes attendaient leur consultation.

Les consultations sont brèves et se font à la chaîne avec 3 femmes enceintes en même temps dans la même petite pièce : une première sage-femme pose des questions à la parturiente pendant qu'une deuxième en ausculte une autre (mesure de la hauteur utérine et bruits du cœur au stéthoscope de Pinard) et qu'une troisième donne des médicaments à une autre parturiente et clôture son dossier. Les sages-femmes ne chôment pas et tiennent bon jusqu'au milieu de l'après-midi, sans boire et sans manger. Pourtant sous la tôle, ça tape !

 

Les patientes se présentent avec un petit carton plié où sont notées les informations basiques de grossesse : date des consultations avec petit résumé et les sérologies si il y en a eu. On note aussi le numéro de leur camp et les lettres de leur bloc ainsi que leur nom et prénom. Je suis interpellée par une autre case en dessous du nom qui n'est pas souvent remplie par les sages-femmes et j'apprends que celle-ci est réservée au nom et prénom du mari.

On m'annonce que quand cette case n'est pas remplie, c'est soit parce que les femmes sont enceintes suite à un viol dans leur pays d'origine soit parce que leur mari a été tué dans le génocide.

Les interruptions de grossesses sont autorisées dans le dispensaire mais très peu de femmes y ont recours, la religion leur interdit d'y avoir accès.

Les patientes ne paraissent pas seulement jeunes, elles le sont, des jeunes femmes de 15 ou 16 ans, cela devait être 30% des consultations.

Pour la plupart des femmes enceintes, elles n'ont pas la notion des dates, souvent elles ne savent pas lire et souvent les jours passent et se ressemblent. Elles ne savent donc pas vraiment dater leurs dernières règles. On estime donc leur début de grossesse en fonction de la hauteur utérine, du ramadan (un peu avant, un peu après ?) et de la saison des pluies. Parce qu'en plus de vivre dans un environnement pas des plus sécuritaires, voilà t-il pas que la saison des pluies peut devenir cyclonique...

 

En consultation, je me suis demandée ce qu'étaient les 2 sachets de poudre qu'on leur donnait systématiquement. Ce sont des sachets de réhydratation à diluer dans 2L d'eau. Les femmes sont quasiment toutes dénutries là bas. Elles manquent de calcium et de protéines.

J'ai aussi compris au fil de ma mission pourquoi il y avait tant de femmes enceintes qui venaient consulter tous les 15 jours et pas tous les mois : on leur donne des médicaments et notamment du fer et du calcium pour 15 jours seulement. Et l'OMS avait un programme de prévention contre la malnutrition chez les femmes enceintes qui permettait à celles-ci d'avoir un sac de nourriture supplémentaire si elles consultaient au moins tous les mois.

 

Cette première journée de consultation était humainement éreintante mais remplie d'enseignements. Cependant, elle ne reflète que MA vision et je suis consciente de ma non-expertise de ce terrain particulier.

Le proverbe « Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson » a toute son importance ! L'une de mes missions était le compagnonnage des sages-femmes dans les consultations et les accouchements, pas de faire à leur place. Il n'y aura donc pas de récit de supergirl qui sauve la moitié de l'humanité. Les superhéros, ce sont ceux/celles qui survivent et ceux/celles qui font en sorte d'adoucir leur quotidien, au quotidien.

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